Les Origines
Limite des sources écrites
Seulement 18 documents écrits en tout et pour tout subsistent de la période du VIe au VIIIe siècle. Il s’agit de papyrus et de parchemins miraculeusement épargnés des épreuves du temps, mais d’un état très précaire.
Toute l’histoire de cette période a été consignée, puis recopiée de chroniques en chroniques par des moines copistes dans des monastères jusqu’à la diffusion de l’imprimerie par Gütenberg à partir de la première moitié du quatorzième siècle.
Au commencement était le peuple Franc
Ce peuple germanique, rescapé de la mythique ville de Troie selon certains chroniqueurs, issu de tribus scandinaves venues s’installer sur les bord du Rhin aux alentours du IIIe siècles selon d’autres, constitue un peuple de guerriers à part parmi les Germains. Les Romains les distinguent même des autres Germains barbares et les considèrent comme « intégrés » leur donnant des responsabilités militaires et faisant d’eux un support fidèle et efficace de l’armée romaine. Nombre d’entre eux s’élèvent dans les échelons de l’empire, en témoigne le nombre de généraux impériaux d'origine franque recensés par différentes sources administratives impériales:
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Tous ces généraux ont effectué une carrière complète dans l'armée impériale, ils ont appris la discipline et la stratégie romaine, ont été impliqués dans des complots de courtisans...
L’intégration de ces Francs est remarquable : promus par les empereurs pour leurs compétences personnelles, ils parlent latin, ont la citoyenneté romaine avec le même gentilice Flavius que la famille impériale et participent à la défense et à l’administration de l’Empire. L’obtention du consulat en fait des sénateurs.
Peuple de cavaliers, ils intègrent puis dominent progressivement l’ordre équestre romain qui évoluera progressivement au cours du temps en ordre de chevalerie médiéval.
Lors de l’éclatement de l’empire Romain d’Occident, conséquence d’une décadence progressive et de l’invasion de différentes peuplades barbares germaniques, les Francs dominent peu à peu tous les peuples qui se succèdent en Europe de l’Ouest.
Les Mérovingiens
En 496, après sa victoire de Tolbiac sur les Alamans, le roi des Francs Clovis, ayant un temps servi en tant que général de l’armée romaine, sous l’influence de son épouse Sainte Clotilde, se convertit au christianisme et se fait baptiser. Il se fait ensuite sacrer par Saint Rémi à Reims, faisant ainsi de la future France la fille aînée de l’Eglise.
Il se rapproche ainsi des Romains, en adoptant la foi chrétienne généralisée par l’empereur Constantin 150 ans auparavant.
En 508 après sa victoire sur les Wisigoths, Clovis reçoit même les « tablettes consulaires » des mains de l’empereur d’Orient Anastase Ier, lui conférant en plus du titre de roi des Francs, les ornement de consul honoraire, et ainsi la dignité d’ « Auguste ».
Le quadrillage du territoire en comtés, l’organisation pyramidale avec suzerains et vassaux fait du peuple Franc la caste des aristocrates cohabitant avec les autres peuplades à qui il offre protection en échange de soumission.
Les Carolingiens
En 632 meurt Mahomet, chef religieux arabe se revendiquant comme le prophète. Sa religion se propage rapidement parmi les peuples ayant adopté auparavant la doctrine du prêtre Arius, l’Arianisme, niant le statut divin de Jésus. Très rapidement, partant d’Arabie, tout le sud de la Méditerranée est conquis par les Musulmans au nom du Djihad, la guerre sainte. Les Arabes prennent pied en Espagne, battent les Wisigoths dès 711 et s’apprêtent à coup de razzias successives à envahir toute l’Europe. Le continent ne doit son salut qu’aux Francs de Charles Martel qui stoppent l’invasion musulmane à Poitiers en 732 et repoussent les arabes au-delà des Pyrénées.
Si officiellement les rois mérovingiens règnent toujours, c’est Charles Martel le maire du palais d’Austrasie qui a en réalité l’autorité de l’Etat.
A sa mort, le royaume est partagé entre l’autorité de ses trois fils : à Carloman l’Austrasie, l’Alémanie, la Thuringe et le Nord de l’Alsace, à Pépin le bref la Neustrie, la Provence et la Bourgogne, et à Griffon le petit dernier, quelques comtés. Rapidement les deux aînés se liguent contre le dernier frères soutenu par le duc d’Aquitaine et le duc de Bavière. Finalement, c’est Pépin le Bref qui s’impose comme unique autorité, détrônant même les derniers prétendants mérovingiens et devenant le premier monarque de la dynastie Carolingienne.
Dans la consolidation de son royaume, il chasse définitivement les arabes de Septimanie en prenant Narbonne en 759 et reprend l’Aquitaine après une longue série de campagnes contre le duc d’Aquitaine Waïfre (Gaifier) de 761 à 768. Au cours de l’une de ces campagnes, Arnald, un cavalier de sa garde rapprochée originaire du Morvan actuel, s’éprend d’une ravissante Limousine avec laquelle il donne naissance à un fils prénommé Arnald, comme lui. Il est élevé le temps de la campagne dans la famille de sa mère, et le surnom de l’enfant pour le distinguer de son père provient de cette origine : Arnald de Ulmis, ulmis signifiant en latin l’orme (arbre). En effet, les noms « Limousin » et « Limoges » proviennent de Lemovicis : ceux qui vainquent avec l’orme, nom donné au peuple gaulois occupant ces contrées riches en bois d’orme, utilisé pour confectionner des armes à la qualité réputée.
Arnald de Ulmis en digne fils de son père se met au service du successeur de Pépin le Bref : Charlemagne.
Il fait partie de sa garde rapprochée et l’accompagne lors de ses différentes campagnes, notamment une première fois en 778 lors d’une première expédition en Espagne, puis en 785 avant la conquête de Gérone. A lui seul, il extermine trois rois maures en combats singuliers lors de la difficile bataille des Cluses. Charlemagne le récompense ainsi en 789 de tous les fiefs en bordure de la via Domitia allant d’Elne, siège de l’évêché, aux Cluses, "verrou des Pyrénées", et le nomme vavasseur de Montescot.
La Catalogne
Les terrains pyrénéens conquis sur les Arabes qui remplaçaient eux-même les Wisigoths depuis 711 sont organisés en Marche d’Espagne. Le territoire qui correspondra plus tard à la Catalogne est divisé en neuf comtés, neuf vicomtés, neuf noblies et neuf vavasseries. Ce qui sera plus tard la province du Roussillon, soit les Pyrénées Orientales, est alors divisée en quatre :
- Le Comté du Roussillon,
- Le Vicomté du Vallespir qui deviendra le Vicomté de Castellnou
- La Noblie de Canet
- La Vavasserie de Montescot tenue par la famille d’Oms
Peu à peu, les Carolingiens perdent leur autorité sur les marches
d'Espagne peu à peu autonomes: le comté de Barcelone domine alors ce
qui va devenir la Catalogne dont l'expansion va se faire aux dépends
des Sarrasins sans cesse repoussés jusqu'à la fin du XVe siècle.
Banyuls
Sous l’Antiquité, un vaste étang, un lac peu profond, s’étend en bordure de la via Domitia, voie romaine reliant Narbonne à Barcelone, sur le tronçon entre Elne et Les Cluses, relié au Tech.
Deux îles de cet étang devenu au fil des siècles marécages deviendront par la suite les support des localités Banyuls-dels-Aspres et Ortaffa.
Les marécages sont peu à peu asséchés par l’homme. On sait qu’un étang important subsiste au Moyen-âge, il est la propriété de la famille d’Oms qui en fait donation à l’ordre du Temple en 1226.
L’alliance entre le fils du vicomte et la fille du vavasseur
Après la conquête carolingienne, la colline de Banyuls est en bordure de la vavasserie de Montescot et mitoyenne avec le vicomté du Vallespir, apanages respectifs de deux puissantes familles : d’Oms - descendante de Arnald de Ulmis - et de Castelnou, alors pourvoyeuses exclusives des pères abbés des plus gros monastères de la région et des évêques d’Elne.
Au cours du Xe siècle, le vavasseur de Montescot que l’on appellera Robert, son nom n’ayant pu nous être transmis (la filiation suivie ne date que de Pons d’Oms, cité comme Vavasseur de Montescot en 1003) a une fille absolument ravissante – appelons la Ermengarde - dont l’intelligence, la grâce, la gentillesse et la culture font la joie et la fierté de sa famille et des habitants des contrées de la vavasserie.
de Castelnou |
d'Oms |
Robert, le père d’ Ermengarde est pétri d’ambition certes pour sa fille, mais surtout pour lui, conscient de l’intérêt d’avoir une fille exceptionnelle pouvant lui permettre d’en tirer un profit politique en la mariant avec le meilleur parti possible. C’est sans compter sur le caractère d’ Ermengarde, insoumise et ne tenant pas servir de pion politique à son père.
Cette dernière se sauve avec son amoureux – appelons-le Dalmace - au grand désespoir de son père. Mais la déception est de courte durée puisque Dalmace s’avère être le fils du vicomte voisin : une alliance précieuse. Néanmoins il s’agit du fils cadet, donc Robert ne fera pas de sa fille une vicomtesse. Comme il n’est pas un ingrat, il offre en dot à son gendre une colline entourée de marécages aux confins de ses domaines et en bordure de ceux de la famille de Castelnou, charge à lui de l’ériger en fief : Banyuls, du nom de l’étang dont elle constituait une île.
Dalmace et Ermengarde s’installent sur cette colline. Quelques serfs loyaux de la vicomté de Castelnou et de la vavasserie de Montescot les accompagnent et les aident à bâtir sur cette motte naturelle un premier château à l’abri duquel ils pourront se protéger en cas de danger, des bandes de brigands ou des razzias sarrasines étant relativement courantes à l’époque.
Les générations se succèdent à Banyuls – nommé plus tard Banyuls-dels-Aspres pour ne pas confondre la localité avec Banyuls-sur-Mer - sans faire parler d’elles, ou plutôt, sans que des chroniques ne puissent faire le moindre lien entre cette famille et quelques individus illustres puisqu’aucun nom de famille n’existe encore.
L’invention du nom de famille
Puis au XIIe siècle est inventé le nom de famille, d’abord concernant les familles aristocrates qui prennent le nom de leur fief, puis progressivement toutes les familles adoptant de père en fils une caractéristique du premier de la lignée : profession (Leboucher, Ferrandeau, Meunier, Boulanger), physique (Lepetit, Leborgne, Leblanc) ou tout simplement prénom (Nicolas, Paul).
Cette « invention » ne sera généralisée qu’au XVIe siècle avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts généralisant l'enregistrement des baptêmes pour les catholiques, donc du nom de famille (mais sans fixation de l'orthographe).
C’est avec cette « invention » que début l’histoire écrite de la famille avec deux frères, Bernard Ier de Banyuls et Pierre Ier de Banyuls mentionnés dans divers documents datés de 1132, 1134 et 1164.
Le cinq des nones d'octobre 1132, ils apposent leur signature, au bas de l'acte de donation d'un manse (petit domaine féodal) adjacent à la localité de Banyuls-dels-Aspres, qui fut consenti aux templiers du Mas Deu. On sait que leur père était déjà seigneur de Banyuls. Le 10 juillet 1150 à la mort de ce dernier, Pierre Ier et Bernard Ier signent une convention afin de délimiter les propriétés de chacun, issues d’un honor que leurs parents viennent de leur transmettre en héritage, de part et d’autre de la Voie Domitia (ou voie domitienne) , tronçon de voie romaine reliant Les Cluses à Elne.
Une famille aristocrate
La stabilisation consécutive à la domination Franque fait que deux populations cohabitent :
- la caste des aristocrates est issue des Francs établis dans l’ancienne Gaule rebaptisée royaume des Francs puis France
- les autres populations , serfs ou autres bourgeois citadins, sont issus des différentes populations mêlées au cours du temps : celtes, gaulois, romains, sarrasins, wisigoths, grecs, burgondes…(seuls certains peuples conservent une aristocratie propre: les bretons, les basques, les normands. Les autres peuples font allégeance à la puissance Franque.).
Par la suite, l’aristocratie étant une caste ouverte accessible aux meilleurs par achèvement de charges afin de conserver un certain élitisme et remplacer les familles décimées par le devoir de l’impôt du sang, les deux populations se sont progressivement mêlées pour être aujourd’hui peu dissociables génétiquement parlant. Culturellement parlant, la noblesse subsistante a un héritage généalogique et une éducation marquée par les traditions.
Un blason
Au cours du XIe siècle, l’évolution de l’équipement des chevaliers rend méconnaissable ces derniers qui se singularisent en mettant sur leur bouclier un signe distinctif : c’est la naissance des blasons.
Dès que possible, les armes sont dites "parlantes" et symbolisent le
nom. Ce nom étant la plupart du temps hérité du nom du fief, les armes
peuvent aussi symboliser une caractéristique de celui-ci. En
l'occurence, le fief de Banyuls ayant été conquis sur les Maures par
Arnald de de Ulmis lors de la bataille des Cluses au cours de laquelle
il a lui-même exterminé trois rois maures en combats singuliers, la
plupart des blasons des fiefs issus de la vavasserie de Montescot
symbolisent ce fait d'arme en affichant trois bandes noires ou trois
losanges noires sur un écu épuré.
La famille de Banyuls choisit donc ces trois bandes noires, dans une
période primitive, celles-ci sont sur différents fonds, notamment or,
puis par la suite, afin de se distinguer de ses voisins de la famille
d'Oms descendante directe du vavasseur ayant choisit l'or, la famille
de Banyuls opte pour l'argent. Les armes de la branche aînée se figent
ainsi: fascé de sable et d'argent de six pièces. Armes parfaitement
symétriques, noir et blanc comme pour symboliser la lutte du bien
contre le mal, raison pour laquelle l'argent domine le sable dans la
disposition.