LIGNEE | du XIIe au XVIe siècle

Thomas II de Banyuls, baron de Nyer et de Montferrer
Don Thomas de Banyuls y de Oris


Blason de Banyuls de Montferré "Fascé de sable et d'argent de six pièces"

Fils de François de Banyuls de Montferrer, seigneur de Nyer, de Montferrer, de Real, de Puig, d'Odeillo, de Leca

et d'Emérentienne née de Orís y de Vallgornera.

Il épouse Françoise Compte y de Llupia, avec laquelle il a trois enfants:

 

Voici ce qu'en rapporte la biographie de l'abbé Capeille:


Sa signature:
Signature de Thomas II de Banyuls de Montferrer, baron de Nyer.

Résidence de Thomas II de Banyuls de Montferrer, Perpignan

Biographie Wikipedia

Extrait de: "CONFISCATIONS EN CATALOGNE FRANÇAISE : LA FAVEUR ROYALE LOIN DU ROI (1642-1652)" : TEXTE DE LA THÈSE ET NOTES D'HISTOIRE POLITIQUE SUR LA CATALOGNE AU XVIIE SIÈCLE PAR SYLVAIN CHEVAUCHÉ
Catalunya segle XVII

Un troisième cas mérite d’être abordé ici, celui de Tomàs de Banyuls. Il est beaucoup plus complexe, moins directement saisissable, pour ainsi dire, tout en demi-teintes. Banyuls a la particularité de n’être ni à la cour, ni à Barcelona. Cette position est d’ailleurs plutôt avantageuse pour lui : sa grande habileté est de tirer parti de l’éloignement des grandes institutions pour étendre son influence et sa propre autorité. Depuis le XIIIe siècle, et particulièrement au XVIe, les Banyuls, seigneurs de Nyer en haut Conflent, s’étaient distingués comme chefs du clan éponyme des Nyerros dans des luttes armées (bandositats) qui les opposaient aux Llupià, vicomtes de Castellnou, et aux Cadell, seigneurs d’Arseguell, sommairement identifiés au clan des Cadells. Les causes de ces luttes étaient essentiellement des querelles de droits seigneuriaux, même si certains historiens ont voulu y voir des fondements idéologiques ; en tout état de cause ces luttes étaient devenues un phénomène social. Si elles ne se perpétuaient pas stricto sensu au moment de la Guerra dels Segadors, nous avons déjà eu l’occasion de dire qu’elles imprégnaient l’imaginaire catalan, et étaient parfaitement connue par les gouvernants français. Depuis le Moyen Âge, les Banyuls étaient les procureurs des vicomtes d’Evol, à qui ils devaient l’hommage féodal pour Nyer, situé dans la vicomté, et pour la majorité de leurs possessions. Ils ne cessaient de se battre pour l’augmentation de leurs prérogatives et de leurs domaines en Conflent. Joan Francesc de Banyuls, seigneur de Nyer et de Montferrer, acquit des concessions minières et le bois de la Carança. Tomàs de Banyuls i de Llupià, fils du précédent et grand-père de notre gouverneur du Roussillon, grand ennemi dans les annés 1580 de Joan Cadell et du baron de Molitg Joan de Llupià, acquit la suzeraineté sur les eaux et forêts de Thuès, ce qui donna lieu à de nombreux combats[80]. Francesc de Banyuls i d’Oris, père de Tomàs, renouvela les reconnaissances féodales de ses tenanciers de Nyer et acquit la seigneurie de Leca[81]. C’est dans cette tradition, caractérisée par une vigueur particulière de la seigneurie, que se situe donc avant tout Tomàs de Banyuls.
Ainsi, le contexte de guerre et de perturbations propre à la décennie 1640 permet de revivifier une ambition que l’on perçoit à travers les manœuvres passées de la famille : s’emparer du plus de terres et de prérogatives possibles dans la vicomté d’Evol. Jusque-là aux mains d’une famille lointaine, les Castro-Pinós, comtes de Vallfogona, la vicomté est désormais confisquée et entre les mains du roi de France, d’où la libération de certaines hésitations et l’ambition claire de se faire attribuer toute la vicomté. Tomàs de Banyuls a montré sa fidélité au roi de France dès 1642, particulièrement précieuse car la plus grande partie de la noblesse du Roussillon (les Llupià, les Oms et les Ortaffa en tête) était passée du côté castillan. Il y a donc reçu les plus hautes fonctions : d’abord en 1642 Procurador Reial dels Comtats (procureur du roi, ou gestionnaire du domaine du roi et des droits de souveraineté dans tout le ressort du Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne), gouverneur du château de Perpignan, puis gouverneur des Comtés en 1643[82]. Théoriquement ces fonctions sont incompatibles, mais dans les faits on a laissé Banyuls les cumuler. En avril 1647, le comte d’Harcourt, qui a décidé de quitter la Catalogne après y avoir exercé un mandat de quatre ans, est de passage à Perpignan. Banyuls réussit à obtenir de lui la charge de gouverneur à la fois de la vicomté d’Evol et du comté de Formiguères, fief attenant et confisqué à une grande famille de Majorque[83]. En Catalogne, une charge de gouverneur n’est pas équivalente à un séquestre ou à un usufruit : le gouverneur est censé exercer la justice dans le ressort d’un fief et nommer des magistrats subalternes. Mais Banyuls semble avoir eu assez vite une conception très élargie de ses pouvoirs. Le nouveau vice-roi, Condé, nomme un autre gouverneur du comté de Formiguères, un certain Tomàs Alosi, neveu du diputat militar, mais le prince quitte lui-même rapidement la Catalogne. Banyuls ne se limite pas à cela et a décidé de se rendre à la cour pour demander la vicomté d’Evol : en septembre, il a reçu l’autorisation du voyage par une lettre de Mazarin lui-même[84].
La période qui s’ouvre après le départ de Condé est un interrègne, plein de faiblesse institutionnelle et politique en l’absence de vice-roi, et Banyuls entend bien en profiter. Au bout d’un petit moment, une plainte est adressée à la cour par l’intermédiaire de Pujolar. Elle émane du père Lluis Alosi, frère de Tomàs, et elle nous renseigne sur le comportement de Banyuls, bien que le contenu de la lettre soit par moments confus et inexact.
« Avant de partir d’ici le prince de Condé fit grâce, sur l’instance du député mon oncle, à mon frère dans le siècle, Tomàs Alosi, de le faire gouverneur du comté de Formiguères, lequel est confisqué par Sa Majesté […]. Quand il voulut aller en prendre possesion, Tomàs de Banyuls, gouverneur de Roussillon et de Cerdagne, lui fit obstacle, ordonnant qu’on ne la lui donne pas, empêchant les ordres de Sa Majesté, lançant des moqueries et des railleries, de telle sorte qu’il n’a pas pu prendre ladite possession pour ne pas occasioner des morts de plus. Mon frère parlementa avec Banyuls, lui produisant le privilège du prince de Condé. Il répondit que le comte d’Harcourt le lui avait donné à lui, ce qui est faux, un mensonge prouvé par le fait que son frère défunt le licencié March-Anton de Banyuls le tenait avant, ainsi que le séquestre d’Evol. Et il est vrai que le comte d’Harcourt lui donna le séquestre de la vicomté d’Evol, mais il ne lui donna pas le gouvernement du comté de Formiguères, comme on le voit dans le registre de la chancellerie ; il l’a plutôt usurpé de sa propre autorité. Aujourd’hui j’ai donné une supplique au sieur de Marca sur cette affaire, pour qu’il convoque l’avocat fiscal patrimonial et qu’ils veillent à la réputation du roi, mais je vois qu’ils avancent timidement dans ces matières »[85].
Nous avons vu par notre propre recherche dans les registres de la chancellerie que le privilège donnant le gouvernement d’Evol et de Formiguères en faveur de Banyuls existe bien. En revanche il est tout à fait possible que Condé ait donné une grâce qui avait déjà été attribuée par son prédécesseur : le fait est plutôt monnaie courante, comme nous l’avons vu. C’est toutefois le privilège donné à Alosi que nous n’avons pas pu localiser… Quoi qu’il en soit, ce qui apparaît bien ici, c’est la participation d’un frère de Tomàs, March-Anton de Banyuls, et donc une conception très familiale du pouvoir. On sait que ce March-Anton avait été Procurador Reial dels Comtats avant de laisser la place à son frère en 1642, et qu’il est mort à Perpignan le 17 décembre 1647[86]. Il ne serait pas étonnant qu’il ait été chargé par son aîné d’une parcelle d’autorité, sachant que l’essentiel était concentré dans les mains d’une même famille ; il a pu obtenir le séquestre d’Evol avant 1647, et l’absence de traces évoque (peut-être, mais ce n’est qu’une hypothèse) un statut semi-officiel. Un effet de l’autorité du gouverneur du Roussillon, tacitement accepté par le gouvernement.
Selon la lettre du père Alosi, les manœuvres de Banyuls mêlent en effet étroitement un désir d’augmenter ses richesses et une soif du pouvoir. Sa mainmise sur la vicomté d’Evol est à la fois cause et effet d’un important instrument de domination économique : l’exploitation des forges.
« Avec cela, il est commode pour Banyuls de vouloir détruire le Patrimoine Royal, car dans ce comté il y a de grandes forêts dont on peut tirer du bois ; il les décime et les ruine pour les forges de fer du Conflent, car il a les autres à son compte ».
L’historienne Núria Sales a étudié la situation économique des Banyuls au début de l’époque moderne : au XVIe siècle, ils possèdent trois châteaux, 4000 journaux de bois, 4 ou 5 forges, et des revenus estimés entre 1100 et 1900 livres barcelonaises ; leurs seigneuries couvrent une demi douzaine de localités, avec 60 ou 70 feux. Le tout est très endetté, mais les Banyuls ne peuvent pas être comptés au rang d’une noblesse montagnarde appauvrie et faible. Au contraire, leurs dettes semblent au moins en partie réinvesties dans l’exploitation lucrative des forges, dont la guerre favorise la multiplication ; et l’idée d’un apurement financier a pu venir en même temps que la perspective de récupérer des biens confisqués à bon compte. Les Banyuls possèdent déjà des forges par héritage familial, progressivement constitué : Montferrer en Vallespir, Railleu, Leca, Souanyas, Marians, Escaro, Nyer (Farga vella et Farga nova), en Conflent ; Odeillo, Réal, Fontpédrouse, les Cortals en Capcir… Elles sont tour à tour héritées, achetées, vendues ou inféodées. Leur forme normale d’exploitation est l’affermage par période de trois ou quatre ans, souvent à des négociants qui les sous-afferment à des forgerons, pour une redevance en numéraire ou, plus souvent, en quintaux de fer qui peut aller jusqu’à 300 par an. Les forges nécessitent de l’eau vive et du combustible : ce dernier est constitué par le charbon de bois. Une forge moyenne absorbe environ 1000 à 1400 hectares annuels de bois. D’où l’extrême avidité des Banyuls pour les forêts[87]. Ainsi la revendication de la vicomté est une manière d’agrandir un domaine forestier qui représente un profit directement perceptible.
Pour sa requête, il n’est pas étonnant que le religieux Alosi s’adresse à l’Agent de Catalogne Pujolar qui, quelques mois auparavant, informait que Banyuls ne faisait pas justice, n’appuyait pas les bons et aidait les mal affectes[88]… Signe supplémentaire, s’il en était besoin, que la faction d’Ardena et de Fontanella à laquelle Pujolar appartient ne correspond pas nécessairement aux contours des anciens Nyerros, pas plus que celle de Margarit aux Cadells. La plainte est faite pour affaiblir la revendication de Banyuls, qui est alors en partance pour la cour. On sait l’influence que Pujolar détient encore sur ce genre d’affaires.
« Ledit Banyuls sera dans peu de jours en cette vour, où il va pour que Sa Majesté le fasse comte d’Evol en Conflent. Vous ferez un grand service au roi notre seigneur en parlant pour qu’on ne le fasse pas, parce qu’un jour il deviendrait comte de Roussillon et Cerdagne. Ayant aujourd’hui les offices qu’il a, c’est un petit roi, et contre lui ni le Conseil Royal ni le vice-roi ne peuvent rien. Il fait de son propre chef tout ce qu’il veut et les Comtés sont ruinés par son mauvais gouvernement : il ruine et anéantit les vassaux du roi notre seigneur, et s’il obtient le comté d’Evol il en résultera un grand malheur pour la couronne, de sorte qu’il serait plutôt nécessaire de lui enlever les offices qu’il détient »[89].
Marca, comme nous l’avons vu plus haut, avait lui-même été informé par Alosi des agissements de Banyuls. Il adresse presque en même temps à Le Tellier une lettre, certes défavorable dans l’ensemble au gouverneur du Roussillon, mais pleine de nuances et de circonspection. Il est conscient des travers du personnage, pour lesquels il semble avoir porté crédit au récit d’Alosi, sans doute appuyé par d’autres témoignages ; mais il attire aussi l’attention sur les grands atouts que représente un homme d’importance, et qu’il faut savoir ménager.
« C’est un fort honneste homme qui a de l’affection pour les interests de la France, avec lesquels les siens sont mellés, jouissant de deux offices de gouverneur et de procureur du patrimoine de Roussillon, quoy qu’incompatbiels, et encore de l’alcaldie du chasteau et de plusieurs apointements, de quoy l’on murmure beaucoup en cette ville. Et nonobstant tout cela, il a des desseins sur le vicomté d’Evol, qui vaut quatre mil écus de rente, et sans doute il vaudroit beaucoup plus en sa main, à cause de l’adresse qu’il a de faire valoir les forges de fer, les siennes luy valans beaucoup à cause de la coupe extraordinaire des bois qu’il fait impunément dans les forests du roy, qui en sont ruinées, suivant les plaintes que j’ay receües, qui estoit un sujet notable de visite».
C’est l’expression même du pragmatisme de Marca, et sans doute de celui qui est aussi celui de Mazarin : Banyuls a ses intérêts mêlés à ceux de la France, c’est-à-dire il sert avec d’autant plus d’intérêt que les siens peuvent s’en sentir mieux. Certes, accorder la vicomté d’Evol à un tel individu n’est pas totalement juste, mais il admet que si tel était le cas il la gèrerait avec talent et en tirerait un plus grand bénéfice qu’en temps normal. La mention de « la coupe extraordinaire des bois qu’il fait impunément dans les forests du roy, qui en sont ruinées », qui a été relevée par Núria Sales, est tout à fait piquante. Marca s’adresse à l’un des principaux ministres. Leur correspondance est d’un niveau suffisamment élevé pour que la dénonciation particulière n’y figure pas, et sous la plume de Marca cette phrase sonne comme une simple observation, presque une fatalité acceptée. Fussent-ils exacts, il n’y a aucun moyen d’arrêt de tels abus, à moins de limoger et, de facto, de faire passer à l’ennemi un homme qui possède une clientèle importante, comme le rappelle également l’historienne : les fermiers des forges, les ouvriers qui vont à leur suite, mais aussi les feudataires et autre petite noblesse locale, de même que la petite élite des marchands, des notaires et des gros voituriers du transport du fer.
L’arrière-plan n’est donc pas du tout le même que dans le cas de Margarit ou de la famille de Reguer, bien que Banyuls soit issu d’une famille d’un rang comparable : il est clairement considéré comme à demi mal affecte, et son attitude à l’égard des Français est plus complexe, plus équivoque sans doute que pour des personnes qui n’ont de salut que l’obéissance à la France : Margarit est considéré comme l’origine des mouvements de Catalogne et il est recherché par les Castillans pour être exécuté ; les Reguer ont vu leurs domaines dévastés à titre de représailles. Banyuls a plus de latitude pour ménager les deux camps, Français et mal affectes, voire davantage…
« Il a de l’esprit, de la conduite, et de la condescendance à l’humeur des François, en sorte qu’il gagne les affections de tous et leur rend de bons offices. Mais il emploie la même facilité à l’endroit des malaffectionnés qui sont en grand nombre dans son gouvernement. Il est leur amy familier, en sorte que l’on n’a veu aucune procedure qu’il ayt faite contre ces personnes la ; de quoy j’ay fait reproche à ses officiers, qui m’ont repondu qu’ils ne trouvent point de témoins. Si dom Joseph Marguerit eust procedé de cette sorte en Catalogne, il auroit un plus grand nombre d’amis, et le roy plus d’ennemis en la province. J’ay voulu vous faire cette relation veritable, Monsieur, affin que vous prissiés vous mesmes avec dom Thomas, qui merite d’estre bien traité, carressé, loué de son procedé et de son affection envers les François, mais quand à ses recompenses on doit le renvoier à M. le viceroy, sans luy donner aucune provision nouvelle, ny pour ses offices, ny pour ses appointemens, dont il luy doit suffire qu’il jouisse. Ce retardement luy fera connestre qu’il a des biensfaits en main, qu’il faut conserver par la continuation de ses services, et ne pretendre pas à des recompenses injustes et disproportionnées, qui choqueraient le public » [90].
On note bien que Marca n’a entamé aucune procédure contre Banyuls (et comment le pourrait-il ? il ne le suggère même pas à Le Tellier), la preuve, il a adressé des reproches « à ses officiers ». Mais il se méfie particulièrement des conséquences que pourrait avoir son voyage à la cour. Rappellons le contexte particulier du moment : fin 1647, après le départ de Condé, Marca attendait qu’on nomme un nouveau vice-roi de qualité afin que ces fonctions soient enfin exercées avec justice et respect des formes – c’est-à-dire avec son conseil. Le voyage d’un Catalan à la cour en une période d’interrègne et d’incertitude était potentiellement porteur de perturbations et de confusions : il pourrait obtenir une grâce sans l’avis de Marca, difficilement applicable sans présence de vice-roi, et surtout, il pourrait inciter durablement les autres Catalans à passer outre l’appareil français en Catalogne afin de solliciter la faveur royale. Au même moment, Felip de Copons demande aussi la vicomté d’Evol, la cour et Marca s’accordant pour reporter la décision de ces affaires. A la différence des Reguer, et sans doute davantage que Margarit en Empordà et dans la région d’Aguilar, Banyuls exerce une véritable tutelle sur le Roussillon et surtout sur le Conflent, certes augmentée par ses charges royales, mais déjà très avancée par ses possessions personnelles et sa large clientèle. Il représente le personnage clef de la zone géographique, une zone très sensible et dangereuse depuis que la côte a été réduite à l’autorité française : Puigcerdà est devenu le passage le plus évident pour arriver en Conflent, et donc en Roussillon, en traversant l’Urgell et la Cerdagne.
A la fin du mois de décembre, Banyuls arrive à la cour. Le Tellier le signale à Marca : « on se servira [des bons avis] que vous donnez touchant dom Thomas de Bagnols qui est arrivé depuis peu de jours, mais que je n’ay pû voir encores […] par ce qu’il n’a pas eu le temps de se mettre en esquipage convenable »[91]. Nous n’avons pas de récit de l’accueil que reçut ce gentilhomme à la cour, ni des prétentions qu’il osa faire valoir. En revanche, les suites de sa visite peuvent être commentées. Il est fort possible que les avis de Marca, certes moins tranchés que ceux d’Alosi et de Pujolar mais allant tout de même dans un sens proche, aient prévalu et inspiré une grande prudence au secrétaire d’Etat. Nous n’avons pas trouvé de trace de correspondance personnelle entre lui, ou Mazarin, et Banyuls, à la différence de Margarit ou de Fontanella, par exemple. A l’extrême fin de 1647, et dans les premiers mois de 1648, Banyuls dut sans doute repartir de la cour avec des espérances mais sans rien de concret ; l’affaire de la vicomté d’Evol, donnée en février par le nouveau vice-roi Sainte-Cécile à l’intendant Goury, avant que ce don soit annulé par la cour, avait définitivement éloigné l’espoir de l’obtenir. Ce n’est que d’avril 1648 qu’on accorde à Banyuls quelques bienfaits, mais à première vue assez sommaires. Le premier est la remise des droits seigneuriaux qu’il devrait payer au roi à cause du rachat de la seigneurie de Montferrer (on conserve la minute originale)[92]. Les circonstances de cette opération sont bien connues, là encore grâce à Núria Sales. L’histoire de la seigneur de Montferrer chez les Banyuls est mouvementé : très endetté, Tomàs I de Banyuls i de Llupià, grand-père du gouverneur, avait dû vendre une première fois en 1585 cette terre du Vallespir qui était dans sa famille depuis le Moyen Âge ; mais le nouveau seigneur, un chirurgien de Perpignan, avait été immédiatement rejeté par les habitants, qui s’étaient cotisés pour permettre en 1611 à leur ancien seigneur de racheter Montferrer ! N’ayant pas totalement pu payer la somme, il avait dû la revendre à nouveau en 1623 à la veuve d’un notaire de Prats-de-Mollo, Lluisa Guanter, qui était l’une de ses créancières… En 1649, enfin, Tomàs de Banyuls i d’Oris, celui dont nous traitons ici, peut racheter la seigneurie. Mais, une fois de plus, c’est grâce à la communauté de Montferrer, qui lui avance 18 000 livres sur les 21 581 totales du prix de la seigneurie. Pour ce faire, Banyuls a hypothéqué sa seigneurie de Leca, pourtant située en Conflent, en faveur de la communauté de Montferrer… C’est une bonne opération, d’autant plus que le roi exonère la transaction des droits seigneuriaux habituels, qui auraient pu s’élever à 5000 livres supplémentaires. Núria Sales commente : « le roi de France, avec qui il avait encore d’excellentes relations, avait renoncé aux foriscapes »[93]. L’exonération, certainement obtenue lors du voyage à la cour, est certes substantielle, mais la décision reste modeste : Banyuls est lui-même chargé par son office de Procurador Reial de la perception des droits royaux, par la forme du mandement il doit donc « mettre en œuvre » (c’est-à-dire ne rien toucher dans son office !) la décision et la lettre lui est aussi adressée…
Le second acte, la concession à Banyuls des droits de justice qui appartenaient au roi sur ses seigneuries de Nyer, Réal et Odeillo, ne nous est connu que par sa transcription dans les registres de la chancellerie de Catalogne[94]. Il s’agit de la justice civile et criminelle, haute et basse. Là encore, grâce aux commentaires de Núria Sales, nous pouvons replacer la demande faite par Banyuls et la décision royale dans leur contexte. Jusqu’ à la Guerra dels Segadors, les justices seigneuriales sont extrêmement vivaces et connaissent couramment des causes criminelles avec condamnation à mort, ce qui n’est pas toujours bien accepté, notamment dans la vicomté d’Evol au cours du XVIIe siècle où des procureurs du vicomte sont chahutés ou assassinés. Cependant, un contrepoids à la puissance totale des seigneurs est le grand enchevêtrement des juridictions. Dans le haut Conflent, les grandes abbayes de la région, Saint-Michel de Cuxà et Saint-Martin du Canigou, possèdent de nombreux droits de justice ; elles sont également souvent seigneurs éminents de certaines terres où se trouvent des forges inféodées à la famille de Banyuls[95]. Il n’est pas rare que dans d’autres seigneuries, la haute justice soit conservée par le roi. C’est ce qui semble être le cas des trois seigneuries en question, si l’on en croit le texte des lettres patentes. Ainsi, l’initiative de Banyuls vise là encore à constituer un domaine le plus cohérent possible. La défense et la revalorisation des droits seigneuriaux comme modèle judiciaire est seulement l’une des tendances présentes en Catalogne. Nous avons vu au début de notre travail que dans les années 1642-1643 certains nobles catalans représentant les différents points de vue ont envoyé des mémoires à la cour : Ramon de Bas défend la création des villes royales et ainsi la conservation par le souverain de tous les droits de la justice, la noblesse étant selui injuste et léonine ; Ramon de Guimerà, quant à lui – c’est un baron –, considère comme bénéfique la prédominance de la vieille noblesse, qui, en détenant la justice seigneuriale, n’en sert pas moins le roi[96] – on a même pu dire que ces options s’identifiaient respectivement aux camps des Cadells et des Nyerros, ce qui est difficile à prouver… Voilà le commentaire que Marca, apprenant que la cour a fait cette grâce à Banyuls, envoie à le Tellier :
« L’autre [dépêche, i.e. lettres patentes] est plus avantageuse, qui contient le don que S.M. luy fait de la justice civille et criminelle haute et basses sur les lieux d’Añer et deux autres. Quoy qu’en ce pais les droicts de justice soient plus considerables et plus autorisés qu’en France, si les vassaux ont sujet de se plaindre ils pourront s’opposer à l’execution des lettres de don »[97].
Ainsi, Marca ne semble pas défavorable à l’enregistrement de ces lettres patentes-là, pas plus que de celles qui dispensent le paiement des droits seigneuriaux ; il n’a peut-être pas simplement tout l’éclairage nécessaire sur tout ce que ces dons, qu’il semble minimiser, représentent en réalité. Nous avons brièvement exposé plus haut, en nous appuyant sur les considérations de N. Sales, combien les prérogatives seigneuriales importaient, combien elles pouvait influer sur la vie de toute une région. Le débat entre les deux modèles juridictionnels n’est pas ignoré de Marca ; mais, en l’occurrence, la stratégie de l’éloignement et du nuage de fumée, jouée à plein par Banyuls, a payé. Sans opposition notable du visiteur général, le gentilhomme a pu obtenir quelques ménagements pour le consolet de n’avoir pas pu être fait vicomte d’Evol en titre.
C’est sur le troisième don obtenu par Banyuls que Marca exprime son profond désaccord. Il s’agit d’un brevet, daté du 30 avril 1648, dont nous avons la minute[98], donnant à Tomàs de Banyuls la permission d’ouvrir et fouiller des mines dans la montagne d’Escaro, en Conflent, afin d’en tirer des métaux. Banyuls est revenu en Catalogne, et a demandé à Marca de lui délivrer l’expédition du brevet, mais Marca, par chance, ne l’a pas encore reçue et alerte Le Tellier. Entretemps, il a reçu des informations précises sur les mines de la vicomté d’Evol, à laquelle appartient la montagne d’Escaro – par l’intermédiaire d’un carme nommé Léonard qui avait eu la charge de faire les fermes au nom de Pierre Goury qui avait obtenu le don de la vicomté avant de s’en voir interdire la jouissance par le roi… Une nouvelle fois, le brevet, élaboré loin du Roussillon, élude de nombreux éléments locaux qui font toute la différence.
« Mais en ce qui regarde le brevet […], il y a une notable surprise, d’autant que cette montagne est celle qui fournit les mines du vicomté d’Evol, d’ou est composé le principal revenu de cette seigneurie. La montagne est dans le territoire appartenant à l’abbaye de Saint Miguel de Cussan, mais elle a esté affiefvée il y a plus de six vingt ans aux vicomtes par les abbés pour y ouvrir des mines de fer. Et ensuite le contract primitif d’affiévement a este converty en eschange avec quelques terres. Et le tout a esté confirmé par deux bulles des papes.


Le profit que le vicomté retire presentement de cette montagne conciste en la quantité de la mine de fer, que l’on delivre pour les cinq ou six forges qui sont maintenant entre les mains de dom Thomas de Bagnols ; à la charge que pour chaque forge il paye par sepmaine quatre et cinq quintaux de fer battu, de valeur de quarante et six reaux chaque quintal, ce qui vaut trois mil livres barcelonnoises de ferme par an.


Outre cela il y a deux forges dans le vicomté qui chomment maintenant apres la fin de l’ancienne ferme, lesquelles peuvent estre remises en estat avec deux ou trois cens livres B. et rendront par an plus de deux mil livres B. Tout ce revenu provient des mines de la montagne d’Escarro, et partant si la permission accordée à dom Thomas de Bagnols subcistoit, le vicomté diminueroit de trois mil escus, qu’il baille en fer pour raison du fournissement de la mine pour ses forges »[99].
Ainsi, la vicomté d’Evol se situe déjà dans une situation de dépendance de Tomàs de Banyuls puisqu’il détient les forges qui sont le débouché principal du minerai tiré de la montagne d’Escaro. Certes, la montagne n’appartient pas en propre à la vicomté, puisque l’abbaye de Saint-Michel de Cuixà la possède, mais l’essentiel, c’est-à-dire les mines, est passé dans le patrimoine des vicomtes, qui a été confisqué par le roi de France. Quant Marca parle de « surprise » dans l’expédition, il est en deçà de la réalité : le brevet déguise en réalité la donation d’une partie de la vicomté d’Evol en permission générale, comme si les montagnes du Roussillon étaient inexplorées et que Banyuls était un pionnier… C’est ce que dénotent les termes du brevet : « luy a accordé et permis de faire ouvrir et fouiller les mines de fer des montagnes d’Escarro audit pays de Roussillon et d’en faire tirer du fer en telle quantité et ainsy que bon luy semblera, le tout à ses despens ». C’est aussi en contradiction totale avec l’esprit des coutumes locales : on passe par des affermages strictement délimités et chiffrés. Dans la situation installée par une telle permission, en supprimant l’étape du contrat, Banyuls se serait donc trouvé à la fois en possession du moyen de production et de la matière première ; et la vicomté d’Evol aurait été dépouillée de sa plus grande source de richesse. Marca voulait justement sa réunion au domaine – ce qu’il commençait à voir se réaliser[100] –, d’où l’idée de remettre en état les forges propres à la vicomté afin d’apporter un profit au patrimoine royal. En 1648, le patrimoine royal du Roussillon (paradoxalement confié aux mains du Procurador Banyuls, nous le savons) était réputé exsangue et sans revenus, la vicomté d’Evol étant la dernière pièce confisquée permettant de le relever quelque peu, si on avait voulu procéder ainsi[101]…
Marca, ayant donné avis à Le Tellier « du domage que le patrimoine de Sa Majesté recevroit de l’execution de ce brevet, afin que vous ayez un valable fondement pour en refuser l’expedition »[102], attend quelque temps pour délivrer à Tomàs de Banyuls les deux autres actes – ceux qui, pense-t-il, ne posent pas problème –, afin d’être sûr qu’on n’enverra pas malgré tout le brevet qui fâche. Une fois certain, il les donne donc au vice-roi afin qu’il les délivre à l’intéressé. Il s’agit, selon une cérémonie que Marca (avec l’accord de son ministre) essaye de faire observer le plus religieusement possible, de montrer aux Catalans que la faveur royale s’obtient par l’intermédiaire du vice-roi. A la fin de l’été, les actes sont ainsi délivrés par Schomberg.
« Don Thomas de Bagnols m’ayant demandé sy j’avois les despeches de Sa Majesté qui le regardent, je luy ay dit que j’en avois receu deux que je remetrois entre les mains de Son Excellence afin qu’elles les luy declivrât comme il a faict, et sur ce qu’il me demande compte d’un brevet pour avoir faculté de tirer de la mine de fer de la montagne d’Escarro qui est du vicomté d’Evol, je luy ay repondu que je n’avois autres pieces à luy donner que les deux precedantes comme je vois ay escrit cy devant »[103].
Banyuls devait ainsi faire une croix sur ce qu’on lui avait sans doute promis à la cour, ce qui même lui avait été accordé (puisque la minute était prête dans les mains des commis du secrétaire d’Etat) : il ne pouvait pas avoir la preuve formelle qu’on avait ou qu’on n’avait pas donné l’ordre d’expédier l’acte. Pour brosser un tableau général de l’évolution de sa situation en cette fin d’année 1648, Banyuls n’a certes pas accédé à la vicomté d’Evol, ni à la liberté totale d’exploiter les mines de cette vicomté – mais dans les faits se gêne-t-il d’y étendre sa mainmise ? Il a de plus réalisé une économie substantielle en faisant racheter une ancienne seigneurie de sa famille (Montferrer) aux frais des villageois tout en étant exonéré des droits de mutation ; et a pu, enfin, récupérer les droits de justice qui lui manquaient dans la seigneurie clef de ses domaines (Nyer). Un bilan globalement satisfaisant si on le compare à celui d’autres serviteurs beaucoup plus zélés, et sans doute moins soucieux de leur enrichissement personnel : Josep de Margarit, quant à lui, n’a eu que des seigneuries sans revenu et un marquisat fantoche.
Le comportement postérieur de Banyuls le rend toujours plus douteux auprès des autorités françaises, qui ne cessent cependant de fermer les yeux. En 1649, un officier en poste à Perpignan (sûrement le comte de Noailles) précise, dans un mémoire adressé à la cour, que gouverneur n’ose pas arrêter ceux qui sont publiquement tenus pour mal affectes, soi-disant par peur d’une révolte[104]. Pourtant on trouve à la date de mai 1649 la minute d’un nouveau brevet, établie au secrétariat d’Etat, portant cette fois 3000 livres de pension à prendre sur les revenus de la vicomté d’Evol[105]. Sans mention de cet acte par ailleurs, on ne saurait dire si, cette fois, il fut expédié. Mais on comprend bien qu’il s’agit là d’un nouveau triomphe en puissance de Banyuls, puisque les 3000 livres de pension correspondent exactement au montant de la ferme des mines d’Escaro… En 1650 encore, c’est le nouveau vice-roi Mercoeur qui se plaint de Banyuls : il donne, d’autorité, des passeports pour la traite des blés. Cela signifie des passeports pour l’exportation, qui est extrêmement réglementée entre la Catalogne et la France pour ne pas créer de concurrence avec les marchands français, comme on l’a vu plus haut dans le cas du sel de Canet (affaire dans laquelle Banyuls était d’ailleurs impliqué)[106]. On peut penser que le gouverneur touchait un pot-de-vin pour la délivrance de ces passeports avantageux à un certain commerce. Le Tellier répond au vice-roi d’une façon qui rappelle les termes employés par Marca deux ans auparavant, mêlant le sursaut d’autorité et la lenteur administrative…
« Monsieur dom Thomas de Bagnolz ne se peut excuser d’executer les ordres que vous luy envoyez sur toutes occurrences ; et s’il y manque Sa Majesté ne trouvera pas mauvais que vous uziez de vostre auctorité pour le faire obéir. Si vous jugez, Monseigneur, qu’à l’occasion de ces passeports qu’il continue de donner pour la traitte des bleds contre la deffense que vous luy en avez faite, il soit besoin que Sa Majesté luy escrive pour luy faire congnoistre combien elle improuve sa conduitte en cela, il sera necessaire qu’il vous plaise de le mander à la cour, et la chose ne recevra point de difficulté »[107].
Deux mois plus tard, dans un mémoire de Marca, on retrouve Banyuls accusé de faits encore plus graves, puisqu’ils mettent cette fois en péril la sécurité militaire du Roussillon, particulièrement sensible depuis la grande progression des Espagnols à travers l’Urgell. Il le met parmi les membres de ce qu’il appelle la « faction », qu’il faudrait extirper de Catalogne. Mais les faits reprochés ne sont jamais totalement détachés de la prise d’intérêt.
« Il agit dans leur principe, protegeant tous les factieux du pays qui sont en nombre considerable, et depuis peu il a faict une remission de tous crimes pour douze reaux par teste à tous les criminels pour s’asseurer par ce bien faict de 3 ou 400 malfaicteurs afin de s’en servir aux occasions. Et particulierement pour pouvoir tenir dans le chasteau de Gner qu’il fortifie sur le passage des montagnes de Conflant et de Cerdaigne qui est celuy des enemis pour Roussillon, apres avoir occupé les monts de Paillas et la Seu d’Urgel »[108].
C’est quasiment une trahison dont il est ici question. Banyuls s’entoure de « malfaicteurs », qui semblent avant tout des hommes de sac et de corde, des mercenaires prêts à former une sorte de garnison dans son propre château, mais on ne peut pas savoir exactement de quelle façon il s’en servira. La limite est très difficile à trouver (et à prédire, surtout) entre le « petit roi » qui tire parti de l’absence de contrôle des Français, entre le maître d’hommes à la fidélité tangeante qui fait valoir sa puissance et son hésitation pour obtenir plus de récompenses, et le vrai traître qui s’apprête à livrer insensiblement la région aux Castillans. A la fin de l’année, les députés de la Generalitat se plaignent de Banyuls dans l’exercice de sa fonction de gouverneur du Roussillon, sans doute pour des questions de logement des gens de guerre[109] : il fait mine de remettre sa démission, ce qui est le prétexte d’aller une nouvelle fois à la cour pour se justifier, ayant toutefois prévu une porte de sortie, faire nommer « son ami » Francesc Ros à ce poste… « D’autant, dit Marca, que ce Ros est le procureur du comte d’Ille et l’instrument de toutes les passions de D. Thomas de Bagnols et du Regent en Roussillon »[110]. Mais, là encore, la sortie est une fausse alerte : Banyuls, sans doute rassuré et concilié par le vice-roi Mercoeur, ne bouge pas et garde son poste. Au milieu de la débâcle générale, alors que le siège de Barcelona par les Espagnols a commencé, une querelle de préséance se déchaîne entre les « principaux Catalans », Margarit et Ardena. La cour, désireuse de maintenir une égalité, dresse un brevet de maréchal de camp pour Tomàs de Banyuls[111]. Tout cela montre que, quelque soupçon qu’on ait pour lui, on ne pouvait pas compter sans Banyuls : d’où des récompenses obtenues plus ou moins par surprise, la cour fermant les yeux, le bénéficiaire s’imposant en demi-teinte, sans le titre de vicomte d’Evol mais avec une puissance supérieure aux anciens vicomtes. La faveur royale se trouvait quasi ligotée. Senyor bandoler ( ?) ayant bien su profiter de la conjoncture institutionnelle de ces années-là, Banyuls passera au service de l’Espagne en 1653[112]. Le gouvernement français avait tenté de mettre à profit (non pas « manipuler ») les querelles de factions et les orgueils nobiliaires, parvenant à un résultat globalement limité ou, du moins, éphémère.

[80] SALES, Núria, Senyors bandolers, miquelets i botiflers?: estudis d’historia de Catalunya (segles XVI al XVIII), 1984, (Biblioteca universal (Empúries), p. 13-101.
[81] LAZERME, t. I, p. 114-115.
[82] Voir supra : Première partie, II. 1.
[83] ACA, Cancilleria, Intrusos 145 (fol.160v), Nomination de Tomàs de Banyuls comme gouverneur du comté d’Evol et du comté de Santa Maria de Formiguera, donné à Perpignan, 2 avril 1647.
[84] AMAE, CP Espagne 27 (fol.218), Lettre de Mazarin à Banyuls, 22 septembre 1647.
[85] AMAE, CP Espagne 5 (fol.298-298v), Lettre de fra Lluis Alosi à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 29 novembre 1647. Voir édition : Document n°36.
[86] LAZERME, t. I, p.115.
[87] SALES, Senyors bandolers…, p. 13-101.
[88] AMAE, CP Espagne 26 (fol.495), « Noticias de Cataluña », 24 août 1647.
[89] AMAE, CP Espagne 5 (fol.298-298v), Lettre de fra Lluis Alosi à Pujolar (copie de la main de Pujolar), 29 novembre 1647. Voir édition : Document n°36.
[90] BNF, Français 4217 (fol.168v-178v), Lettre de Marca à Le Tellier, 1er décembre 1647.
[91] BNF, Français 4202 (fol.502-504), Lettre de Le Tellier à Marca, 27 décembre 1647.
[92] SHD, A1 105 (n°485), Don des droits seigneuriaux appartenants au roy a cause du rachapt de la terre de Monferrer en Roussillon pour le sieur de Bañuls (minute), 31 août 1648. On trouve également cet acte retranscrit dans un autre volume, à la date fautive de 1650 : SHD, A1 125, n°307.
[93] SALES, Senyors bandolers…, p. 70-71. « el rei de França, amb qui estava encara en excellents relacions, havia renunciat a foriscapis ». Voir aussi LAZERME, t. II, p. 181 (Guanter) : Lluisa Coli i Duran, veuve de Joan-Miquel, notaire et syndic de Prats-de-Mollo, acheta Montferrer en 1623, que son fils Emanuel Guanter i Coli, après avoir reçu un privilège de noblesse du maréchal de Schomberg en 1648, revendit en 1649.
[94] ACA, Cancilleria, Intrusos 119 (fol.128v-131v), Lettres patentes de don des droits de justice qui appartenaient au roi sur les seigneuries de Nyer, Réal et Odeillo (transcription), avril 1648. Lettres données à Paris et contresignées de Le Tellier.
[95] SALES, Senyors bandolers…, p. 72-87.
[96] Voir supra : Première partie, II. 3.
[97] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.
[98] SHD, A1 105 (n°434), Brevet portant permission de fouiller des mines et d’en tirer des mettaux (minute), 30 avril 1648.
[99] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.
[100] Voir supra : Troisième partie, I. 2.
[101] BNF, Français 4217 (fol.312v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648. « Outre le profit des mines il y a dans le vicomté les droits seigneuriaux et les dixmes qui valent deux mil livres Barcelonaises, lesquelles estans jointes aux trois mil livres barcelonaises de ferme provenans de la mine qui se delivre pour les forges de dom Thomas de Bagnolz font cinq mil livres barcelonaises. sans y comprendre les deux mil pour le moins que donneront les forges du vicomté […]. Cette relation me descharge aussi envers vous, Monsieur, de ce que j’avois avancé en termes generaux, que le vicomté valoit douze cens pistoles de rente, en sorte que Monseigneur le Cardinal de Sainte Cecile ayant appris l’exces de ce revenu, et me pressant de luy demander ce que je voudrois des biens confisquez pour m’en gratifier, avoit raison de me dire qu’il y avoit en ce vicomté de quoi recompenser deux personnes, et sans doubte je me fusse contenté de la moitié, et de le posseder par indivis avec un autre, si je n’eusse esté si roide pour les interests du public. Je voy bien que ces considerations un peu stoiques incomodent mes affaires domestiques et ne relevent pas ma reputation envers les autres, quoy que j’aye cette satisfaction que vous les avés approuvées ».
[102] BNF, Français 4217 (fol.317v-321), Lettre de Marca à Le Tellier, 30 juin 1648.
[103] BNF, Français 4217 (fol.358-364v), Lettre de Marca à Le Tellier, 9 septembre 1648.
[104] AMAE, CP Espagne 29 (fol.291-291v), Mémoire sur la situation du Roussillon (en français), 18 septembre 1649.
[105] SHD, A1 112 (n°346), Brevet de 3000 l. de pention a prendre sur les revenus du viscomté d’Evol pour don Thomas de Bagnols, gouverneur du Roussillon, 28 mai 1649.
[106] Voir supra : Deuxième partie, II. 1.
[107] BNF, Français 4205 (fol.163-164v), Lettre de Le Tellier à Mercoeur, 5 août 1650.
[108] BNF, Français 4219 (fol.221v-251), Estat des affaires de Catalogne (de Pierre de Marca), 2 octobre 1650.
[109] On a l’écho de telles plaintes pour l’année 1651 dans les Dietaris de la Generalitat (vol. VI, p. 1122-1123).
[110] BNF, Français 4219 (fol.275-278v), Lettre de Marca à Le Tellier, 25 novembre 1650. Francesc de Ros i Joan, fils cadet de Joan de Ros i Giginta et d’Eleonor Joan i Meca, descendant d’une vieille famille de Perpignan issue d’un docteur en droit, fut baptisé le 10 novembre 1611 en l’église Saint-Jean de Perpignan. Partisan de la France, il reçut en mars 1651 la juridiction des localités de Saint-Jean et de Mailloles près de Perpignan. Il demeura fidèle à Louis XIV après la chute de Barcelona, obtint des gratifications sur les biens confisqués du Roussillon en 1654. En 1666, il acheta les seigneuries de Saint-Feliu d’Avall et de Saint-Feliu d’Amont, qui furent érigées en comtés par Louis XIV en 1680. Il mourut à Saint-Feliu d’Avall en décembre 1684. Il s’était marié deux fois, la première avec Maria de Meca i Jorda, la seconde avec sa cousine Joana Ros i d’Ortaffa. De son second mariage vint la lignée des comtes de Ros qui subsista jusqu’au XIXe siècle (LAZERME, t. III, p. 185).
[111] SHD, A1 125 (n°60), 13 août 1651. Le même volume comporte les brevet des maréchaux de camp pour Josep de Pinós et Francesc Calvo (voir infra : Troisième partie, III. 3.)
[112] « Il les exerçait [ses fonctions] encore en 1651, lorsque le gouvernement insurrectionnel de Catalogne s’étant soumis au roi d’Espagne, tous les peuples des trois comtés mécontents des Français s’empressèrent de revenir à leur ancien souverain, partout où ils ne furent pas soutenus par des forces suffisantes. La position de Don Thomas devint très équivoque. Suspect aux Français qui l’accusaient de ne pas s’opposer au mouvement de ses compatriotes, il prit le parti de quitter le service de la France pour se retirer dans des terres occupées par les Espagnols. Peu après, mécontent de la manière dont les Français avaient interprété sa conduite, il prit du service en Espagne, et l’an 1654, lorsque le prince de Conti, après la prise de Villefranche, crut devoir se retirer de ses montagnes. Don Thomas, à la tête d’une partie de la garnison de Puigcerdà et de 500 paysans, attaqua son arrière-garde, fit 600 prisonnier et s’empara des équipages d’un régiment. Ses biens furent aussitôt confisqués ». Tomàs de Banyuls mourut à Barcelona le 5 mai 1659. Il avait testé le 26 décembre 1659 devant Josep Quatrecases-Sala, notaire de Barcelona. LAZERME, t. I, p. 115.

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